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Mettre son informatique au "cloud" ? Ce qu’on ne dit pas sur le cloud computing…

Christophe Deshayes |

Les entreprises investissent-elles massivement dans le cloud computing ou regardent-elles avec circonspection l’agitation des vendeurs ? Il est difficile de se faire une opinion tellement les études sont contradictoires. Un décryptage impertinent s’impose !

Le cloud de la panne : quand les pannes en série (r)enseignent…
L’informatique dans les nuages est censée être plus fiable que l’informatique classique d’entreprise. L’image de haute disponibilité prêtée aux entreprises du web championnes du cloud computing, telles que Amazon, Google... semble finir de convaincre. Pourtant l’inventaire est sans appel. Les pannes s’accumulent dans les nuages. Aucun grand nom du cloud n’a été épargné (Google, Amazon, Salesforce…) ! Des pannes souvent répétitives et parfois très graves (de un à  six jours consécutifs d’interruption !). Les engagements de services pourtant contractuels ne s’appliquent quasiment jamais, même lors des pannes de plusieurs jours, un comble !

En fait l’analyse détaillée des pannes nous en dit davantage sur la réalité du cloud que toutes les présentations marketing. Une réflexion d’autant plus intéressante que dans le même temps, aucun grand nom de l’infogérance classique n’a connu telle mésaventure. Quelle explication donner sinon que le cloud des informaticiens classiques ne serait pas le même que celui des sociétés tout internet ?

L’aventure du cloud gouvernemental US : Yes we cloud…

Juste après son élection de 2008, le président Obama a lancé, par l’intermédiaire de son DSI fédéral (Vivek Kundra) récemment nommé, un plan de modernisation et de rationalisation de l’informatique fédérale grâce aux technologies web. Après des annonces très volontaristes (cloud computing first), des plans très ambitieux (diviser par deux et demi le nombre de data centers), le bilan semble au final, beaucoup plus mitigé. La démission de Vivek Kundra à l’été 2011 sonne-t-elle l’échec de cette grande réforme (et du cloud computing) et la victoire des vendeurs d’informatique classique ? C’est possible mais pas certain, tant l’intérêt d’édifier des clouds nationaux ne se réduit pas aux économies budgétaires mais englobe des visées autrement plus stratégiques. C’est un cloud dit souverain, une sorte de parapluie numérique qui protégerait les grandes entreprises nationales des yeux et des oreilles de ses rivaux. Un projet qui aurait du sens. En France, c’est le projet Andromède qui n’en finit pas de se perdre dans les arcanes des financements du grand emprunt…

Derrière les difficultés à ériger ces parapluies numériques, c’est le principe même de l’universalité du nuage qui est ici fortement remis en question. Ces nuages nationaux sont-ils encore interopérables avec tous les autres nuages ? L’entreprise cliente de cette protection nationale pourra-t-elle commercer aussi librement avec tous ses partenaires qu’elle le fait aujourd’hui ?

Modèle économique : le retour de l’élasticité…

Indépendamment des économies prétendues (qui ne sont pas toujours avérées loin s’en faut). Au-delà de la notion de facturation à l’usage (on-demand) qui n’est, rappelons-le, ni nouvelle ni nécessairement fondée sur une architecture cloud, l’informatique dans les nuages se démarque par son élasticité : sa capacité à s’adapter sans planification préalable à des évolutions substantielles d’activité à la hausse comme à la baisse. Une vertu cardinale en période d’incertitude généralisée ? Une qualité indispensable pour les startups et pour les activités nouvelles surtout lorsqu’elles sont non ou peu facturables, ce qui est fréquent sur le web mais rare dans le business classique.

Mais il s’agit également d’un argument marketing redoutable pour vaincre l’indécision qui prévaut toujours en période d’incertitude. Reste à s’assurer que cette incitation à l’action ne se transforme pas en incitation à l’inconséquence tant des questions comme la maitrise à terme, l’intégration et la pérennité restent sans réponse.

Rappelons que l’élasticité ne se définit pas comme la faculté d’un objet à être étendu sans limite, sous l’effet d’une force mais au contraire comme la capacité à retrouver exactement la même forme après que la force d’extension qui n’a pas dépassé un certain seuil et qui a consommé de l’énergie a cessé. L’argument très séduisant de l’élasticité n’est donc utilisé ni dans le sens économique ni dans le sens mécanique. Etonnant pour un argument qui constitue la clef de voute de tout l’édifice ?

Acteurs : le cloud, cette autre infogérance…

En théorie, l’hébergement dans les nuages devrait concurrencer les prestations classiques d’infogérance. Les fournisseurs classiques d’infogérance (IBM, EDS, ATOS, Capgemini…) n’auraient donc pas d’autre choix que de reprendre en main ce business ou mourir. Il est donc logique de voir les prestataires d’infogérance reprendre à leur compte le discours du cloud computing. On constate cependant rapidement qu’il s’agit davantage d’un habillage commercial que d’une réalité.

Si la mode du cloud met effectivement la pression sur les prix et donc sur les marges, le chiffre d’affaires de l’infogérance continue de croître. Une preuve que ces deux types d’hébergement ne sont pas aussi frontalement concurrents. La guerre de l’externalisation n’aura donc probablement pas lieu.

L’externalisation, c’est également le premier pas vers les délocalisations. Une étude récente affirme que le nuage créera 14 millions d’emplois. La moitié de ces créations se fera en Chine et en Inde. Comme souvent, aucun chiffrage des emplois qui seront inévitablement détruits dans le même temps n’est avancé, pas plus que sur leur localisation.  Enfin, la Chine travaille à un projet de ville-nuage. La première sera 6 fois plus puissante que l’actuel plus grand centre informatique du monde (un million de pieds carrés), installé à Chicago.

Usages : l’utilisateur sur son petit nuage…

Le grand public s’est habitué à jongler entre les ordinateurs (personnel, professionnel…) les téléphones intelligents et les tablettes. Il plébiscite donc tout naturellement les solutions d’hébergement dans les nuages de ses photos, emails, documents divers surtout lorsqu’elles sont gratuites et peu onéreuses.

De dropbox à icloud, en passant par les operating system dans les nuages, la volonté du grand public d’user et d’abuser des facilités du web est une réalité qui pourrait, tôt ou tard, s’imposer aux entreprises, qu’elles le veuillent ou non. Une manière de concrétiser la fameuse tendance « Bring Your Own Device » qui verrait les entreprises arrêter de choisir et fournir le poste de travail du collaborateur pour au contraire favoriser l’utilisation, dans le cadre du travail, de l’équipement personnel des collaborateurs. La fin des grandes études sur le poste de travail du futur et des grandes décisions d’investissement en matériel technologique à obsolescence ultra rapide.

Pour le collaborateur, la proposition alléchante d’Apple qui propose, grâce au nuage personnel icloud, d’arrêter de classer ses documents et même de les sauvegarder est une véritable rupture cognitive. Une proposition à laquelle il est difficile de résister même si le coût pour l’utilisateur risque de s’avérer un jour prochain particulièrement salé.

Jeux de contraintes

Le cloud est une réalité ne serait-ce qu’en terme d’infrastructure et d’attentes clients. Deux raisons qui rendent les débats « pour ou contre le nuage ?» sans intérêt. Négocier des contraintes passées contre des contraintes à venir serait davantage une preuve de réalisme et de maturité. Encore faut-il connaître avec précision les contraintes d’hier (effets de seuil, inertie, nécessaire planification…) et celles de demain (interopérabilité réduite, urbanisation problématique, maîtrise relative…). Or, aucun acteur sur le marché ne semble avoir intérêt à faire un tel état des lieux.

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